Berne (1972) indiquait que le psychanalyste qui avait fournit un meilleur pont heuristique vers l’analyse transactionnelle était Ronald Fairbairn (1952). Il est le 1er psychanalyste à décrire de façon très complète la dynamique relationnelle de la première enfance, celle d’un enfant en relation depuis les premiers instants de la vie et les dégâts qu’il pouvait y avoir s’il y avait un échec dans ces relations primaires.Il a donc articulé les antécédents du processus schizoïde.
Ces difficultés relationnelles ne sont pas des traumatismes violents auxquels nous pensons quand nous travaillons par exemple avec des personnalités multiples. Ce sont plutôt ce à quoi Masud Khan (1963) faisait référence en parlant de « traumatisme cumulatif » (p. 286) les petits ratés d’accordage, négligences, punitions, rejets, semblables à des petits grains de sable qui s’entassent jusqu’à ce qu’ils forment une dune. L’accumulation de ces accordages ratés et des connexions ratées créent les conditions dans lesquelles l’enfant va se cacher de plus en plus dans son propre monde retiré tout en ajustant son comportement pour se conformer à ce que demandent les autres (Lourie, 1996). Pour les clients dans un processus schizoïde, l’intimité et les liens interpersonnels sont une menace pour leur sens du Soi. Ils ont le vécu d’une grande peur du contact ; pour ces personnes une relation authentique est dangereuse.
Bob Goulding (1974) a décrit le processus schizoïde comme une impasse du 3ème degré. C’est le clivage dans le moi de l’enfant qui se produit quand le fonctionnement naturel de l’organisme de la personne est réprimé et nié. Il est donc clivé, et l’enfant devient la façade sociale correspondant aux exigences des personnes adultes autour de lui. La façade sociale adaptative devient « moi » et la partie naturelle fondamentalement humaine devient « pas moi/non moi ». Ce qui est naturel est perdu et clivé de façon si intense que la personne ne peut envisager d’être autrement dans le monde.
Mon expérience clinique et la littérature contemporaine concernant la psychothérapie, m’ont toutes deux amené à croire qu’une relation thérapeutique patiente, consistante, pleine de respect et accordée permet à ces aspects cachés qui ont été faits « non moi » à devenir » moi » (Bollas, 1987, Erskine, Moursund & trautmann, 1999 ; Mitchell, 1993 ; Stolorow, Brandschaft &Atwood, 1987).
Harry Guntrip (1961, 1968 et 1971 ; Hazell 1994) a beaucoup écrit sur le traitement du processus schizoïde. Il décrit comment la personne est poussée à se cacher par la peur et ensuite fait l’expérience d’une solitude profonde et enfermée qui la conduit à sortir de sa cachette dans une interface adaptative avec le monde. Une telle personne est sans arrêt prise dans un combat entre le fait de se cacher et le fait de se connecter aux autres, mais dans l’adaptation.
Guntrip (cité dans Hazell, 1994) définissait la thérapie du processus schizoïde comme « le fait d’établir une relation humaine fiable, pleine de compréhension, une relation qui établisse le contact avec l’enfant traumatisé et profondément enfoui de telle sorte que la personne devienne de plus en plus capable de vivre dans la sécurité d’une nouvelle et réelle relation avec l’héritage traumatique des années précoces où il s’est construit, à mesure que cet héritage traumatique émerge petit à petit dans la conscience.
C’est un processus d’interaction, fonction de 2 variables, la personnalité de 2 personnes qui travaillent ensemble en direction d’une croissance libre et spontanée (p.366). »
Winnicott avait aussi une vaste expérience du traitement du processus schizoïde (Hazell, 1994, Little 1990). En1965, il décrivait les ingrédients essentiels d’une psychothérapie en profondeur : fournir un environnement fiable, plein de respect, de compréhension, tel que le client ne l’a jamais eu et dont il a besoin pour pouvoir se redévelopper et sortir de ses conflits intérieurs et de ses inhibitions. Un tel environnement permet à la personne de découvrir ce qui est naturel pour elle. Guntrip et Winnicott ont tous deux encouragé une psychothérapie qui se concentre sur les processus internes du client et non spécifiquement sur les résultats en termes de comportement, donc une psychothérapie qui apporte une relation guérissante à un état du moi Enfant traumatisé.
Pour finir, il est approprié de citer Guntrip et ses covictions concernant la psychothérapie du processus schizoïde, une attitude qu’une de ses clientes a décrit comme le fait de la « chérir ».
« Il est de la responsabilité du thérapeute de découvrir de quels types de relations parentales le client a besoin pour aller mieux… ».
L’enfant grandit et devient une personne en difficultés parce qu’il n’a pas été aimé comme une personne de plein droit et en tant qu’adulte malade, il vient voir le psychothérapeute convaincu à l’avance que ce « professionnel » n’est pas réellement intéressé par lui, qu’il n’est pas véritablement préoccupé par ce qu’il lui arrive. Le genre d’amour dont le patient a besoin, est le genre d’amour dont il peut penser à un moment de la thérapie, que le thérapeute est la 1ère personne a lui donner.
Cela implique de le prendre au sérieux en tant que personne dans ses difficultés, de le respecter en tant qu’individu de plein droit, même dans ses anxiétés, de le traiter comme une personne qui a le droit d’être comprise et pas seulement blâmée, rejetée, pressée et formée afin d’arranger d’autres personnes ; de le regarder comme un être humain de valeur, ayant sa nature propre et qui a besoin d’un bon environnement humain pour grandir, de lui montrer un contact humain authentique, une réelle sympathie, de croire en lui afin qu’en temps et en heure il puisse devenir capable de croire en lui même.Tout cela sont les ingrédients de l’amour parental vrai (agapé pas eros) et si le psychiatre n’est pas capable d’aimer ses patients de cette manière, il ferait mieux d’abandonner la psychothérapie… »
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